Le choix du site pour la défense naturelle

Eperon barré du château de la Châtelaine dominant le village des Planches-près-d'Arbois (Jura).

De part son rôle défensif, le château devait autant que possible privilégier une implantation géographique difficile d'accès. Dans les montagnes comtoises, la multitude d'éperons barrés donnait l'embarras du choix pour établir des forteresses sur des sites de hauteur. La deuxième priorité était bien sûr le guet et la surveillance de la campagne et des routes environnantes tant d'un point de vue militaire que financier (octroi sur les marchandises qui transitaient). Enfin, pour assoir sa position sociale par l'ostentation de son pouvoir, le seigneur avait tout intérêt à choisir un emplacement qui contribuait à faire forte impression sur ses sujets (paysans et bourgeois notamment).

Une contrainte de poids intervenait néanmoins dans le choix de telle éminence ou tel rocher : l'approvisionnement en eau. En cas d'absence de réseau karstique suffisamment affleurant, on se contentait d'aménager une citerne profonde de quelques mètres, sauf au fort de Joux (Doubs) où un véritable tour de force fut réalisé pour creuser dans le roc un puits de 101 mètres de profondeur !

Château de Charencey (Doubs). Construites à ras du rocher, les substructures n'étaient pas à l'abri d'un effondrement du substrat. 

La porterie

Porterie du château de Présilly (Jura). XIIIe - XVe siècles.

Le point névralgique de tout château fort était son accès principal. Il se devait donc de compenser sa fonction première d'entrée praticable pour hommes et attelages par une conversion en obstacle la plus rapide et efficace possible. Le pont-levis (qui enjambait toujours à l'origine un fossé et permettait la jonction avec un pont dormant) était à partir du XIVe siècle la solution la plus courante et se généralisa au XVe. En général escamotable dans les murs d'une porterie en dur, il était parfois déporté au dessus du fossé par une structure en bois, qui bien que plus fragile, permettait de ne pas nuire à la solidité des murs de la porte maçonnée. Généralement aménagé à travers une tour dans la grande majorité des exemples comtois, il pouvait également traverser un simple mur droit d'enceinte, souvent flanqué de deux tours rondes  disposées de part et d'autre qui en garantissaient la défense par tirs croisés. Il se présentait sous forme d'une simple porte cochère, ou muni d'un accès piéton secondaire.

Des variantes de pont escamotable ont également existé :

- Le pont roulant (plus ancien)

- Le pont à bascule (rare mais dont Chaux-des-Crotenay constitue un remarquable exemple)

Porterie du château de Chevigny (Jura). A noter la tourelle en encorbellement en haut à gauche dont la soeur jumelle de droite à disparu à l'occasion d'une restauration sommaire consécutive à un incendie (voir ci-dessous). Le sommet de la tour est encore garni des corbeaux d´une poutraison de hourdage.

Dessin du château de Chevigny au XIXe siècle. On notera à l'arrière plan le donjon circulaire aujourd'hui disparu.

Le guet et le tir plongeant

Donjon du château de Beauregard (Jura). XIIIe siècle. Cliché de 1989.

L'aménagement d'échauguettes ou tourelles en encorbellement aux angles supérieurs des tours maîtresses (ou du donjon) permettait à la fois le guet dans un certain confort (toit et siège) et la possibilité de tir plongeant notamment à proximité des accès. Leur construction débuta timidement au XIIIe siècle et prit son essor aux XVe et XVIe siècles.

Tourelle d'angle (aménagement du XVe siècle) du donjon du château du Pin (Jura).

Les fentes de tir

Archère canonnière remarquablement équarrie. Château de Vers-en-Montagne (Jura). XVe siècle.

Disposées près du sol à proximité des accès (porteries, poternes) et toujours assez haut dans les autres cas afin de limiter leur vulnérabilité aux tirs de pièces lourdes (trébuchets, catapultes puis bombardes), elles ont évolué et ont été remaniées au fil du temps pour s'adapter aux progrès de l'artillerie :

- Archère ou fente de tir simple dès le XIe siècle

- Archère à étrier à partir du XIIe siècle

- Archère canonnière pour couleuvrine au XIVe puis XVe siècle

- Bouche à feu à partir du XVIe siècle

Archère simple (XIIe - XIIIe siècle). Château d'Arlay (Jura). Flanc sud-est de la porte de l'Epinette.

Tour d'angle du château de Bouclans (Doubs) munie d'archères canonnières. Les bandeaux matérialisent le sol des étages.

Les tours en éperon

Tour pentagonale d'extrémité du château de Montjoie-le-Château (Doubs). Elle domine un fossé barrant l'accès du côté opposé à la porterie.

La tour pentagonale en forme d'éperon est une caractéristique commune à beaucoup de forteresses du grand est, et très fréquente en Franche-Comté. Généralement située à l'une ou l'autre des extrémités les plus étroites du château, et toujours du côté le plus vulnérable (en général à l'aplomb d'un fossé), elle se veut à l'abri des impacts directs de l'artillerie afin de ne pas présenter de flanc au droit des tirs. On la retrouve dans nombre de châteaux de hauteur du massif jurassien : Arlay, Beauregard, Charencey, Marigna-sur-Valouse, Montbéliard, Montfaucon, Montjoie-le-château, Montrivel... Elle donne parfois de faux airs de cuirassé échoué en pleine montagne à nos forteresses d'altitude.

Donjon pentagonal en éperon (XIIe siècle) du château de Marigna-sur-Valouse (Jura).

Tour en éperon du château de Montbéliard (Doubs - XIVe siècle).

Le crénelage

Château d'Oricourt (Haute-Saône) et son crénelage apparaissant en partie inférieure dans le calcaire ocre du mur d'enceinte originel.

Mis à part quelques rares exemples généralement restaurés voire reconstruits aux XIXe et XXe siècles, les seuls témoins de créneaux conservés dans les forteresses médiévales jurassiennes se rencontrent au sommet des quelques tours dont la toiture demeura entretenue au cours des siècles. A partir de l'époque moderne, les créneaux de courtines furent quasi systématiquement démantelés suite aux guerres de conquête française ou pour dégager la vue (et améliorer l'éclairage) des logis par dessus les courtines.

De très rares exceptions de crénelage de courtine toujours lisible de nos jours apparaissent sur quelques murs d'enceinte comme c'est le cas au château d'Oricourt, qui par chance a subi une reprise de sa hauteur (au XIVe siècle) ayant en quelque sorte fossilisé les créneaux primitifs, ainsi que sur un tronçon du mur d'enceinte de Cuiseaux.

Rempart d'enceinte du bourg de Cuiseaux (Saône-et-Loire) anciennement rattaché au comté de Bourgogne. Ici aussi, à droite, quelques vestiges fossiles des créneaux d'origine sont noyés dans une maçonnerie postérieure.

L'intérieur de la haute cour

Tour en fer à cheval de l'enceinte du château du Pin (Jura).

Les tours flanquantes (rondes ou en fer à cheval) étaient généralement évidées du côté intérieur de l'enceinte (par souci d'économie de maçonnerie) jusqu'à hauteur des courtines et de simples planchers sur les étages intermédiaires permettaient l'accès aux fentes de tirs, reliés entre eux par des échelles.

Le donjon

Donjon du château de Fondremand (Haute-Saône). XIIIe siècle.

Dernier refuge en cas de siège, le donjon tenait à l'origine le rôle de tour maîtresse et de logis, avant d'être cantonné plus tard à un simple rôle ostentatoire de la puissance de son propriétaire. Il constituait traditionnellement la tour : la plus haute, la plus forte, positionnée sur le point le plus haut du château, mais aussi la moins bien éclairée jusqu'aux transformations à l'époque moderne. Dans leur immense majorité, les donjons comtois étaient des constructions massives, de base carrée ou rectangulaire, hourdées ou non, et dont deux des plus beaux exemplaires bien conservés qui nous soient parvenus se trouvent au château du Pin et au château de Fondremand. 

Donjon du château de Présilly (XIIe ou XIIIe siècle) et son accès typiquement roman par une poterne perchée à plus de 7 mètres du sol. Un escalier en bois permettait son accès tout en le mettant à l'abri des béliers ou tir de trébuchet. Les consoles sous la poterne marquent l'emplacement de la poutraison supérieure de l'escalier en bois qui longeait le mur obliquement jusqu'au sol de la cour.

Donjon du château d'Oricourt (Haute-Saône). XIIe siècle.

Donjon du château de Rupt-sur-Sâone (Haute-Sâone). Cette tour du XIIe siècle a conservé toute sa maçonnerie extérieure et mesure 33 mètres de hauteur pour 11 mètres de diamètre. Il est un des rares châteaux de la région a comporter un donjon circulaire.

L'éclairage et le chauffage

Château d'Abbans-Dessus (Doubs). La baie géminée romane du premier niveau est sans doute la plus ancienne (XIIe siècle). Celle juste au dessus (fenêtre à meneau) est vraisemblablement de la fin XVe ou début XVIe.

Limitées au seul donjon (lorsqu'il faisait encore office de logis), les baies ou fentes de lumière étaient volontairement réduites en surface et en nombre jusqu'à l'essor de l'artillerie à poudre (au XVe siècle), car constituant des zones très exposées aux tentatives de brêche ou d'assaut. Pour ce qui est du chauffage, des cheminées au foyer immense (3 à 5 mètres de large) permettaient à la fois un chauffage dans les pièces d'habitation (grande salle, chambres, salle de gardes) tout en contribuant à un certain éclairage nocturne. La cheminée distribuait généralement plusieurs étages par foyers superposés. On les trouve aussi bien le long des pignons, murs de refend (permettant un chauffage centralisé distribuant plusieurs pièces du même étage), contre le mur d'éperon des tours pentagonales, plus rarement sur les murs gouttereau.

Baie trilobée du XIIIe siècle. Maison des comtes de Chalon-Arlay à Salins-les-Bains (Jura).

Baie géminée du château d'Abbans-dessus. XIIe siècle.

Contre-plongée de l'intérieur de la tour maîtresse du château de Colombier-Châtelot (Doubs). Au centre, la poterne d'entrée à environ 8 mètres au dessus du sol desservait une chambre de tir munie des deux archères en vis à vis (à gauche et à droite). Aucune autre baie n'éclairait la pièce.

Intérieur et foyer de cheminée de la porterie du château de Présilly (Jura). Elle a pu chauffer une salle de gardes faisant office de chambre de herse (?)

Cheminée d'une tour en éperon de l'enceinte sud du bourg-dessus à Arlay (Jura). XIIIe siècle.

Les commodités

Château du Pin (Jura). Flanc ouest.

Superstructures toujours bien présentes sur toutes les parties habitées (temporairement en cas de siège plus ou moins prolongé, ou équipant les logis), les latrines se rencontrent encore sur nombre de châteaux jurassiens sans réelle particularité régionale. Accessoirement, elles faisaient office d'assomoir et il n'est pas rare de les trouver à proximité voire à l'aplomb des accès principaux...

Latrines à tous les étages (ou presque) du donjon de Fondremand (Haute-Saône).

François RIZZON 18.09.2016 08:41

débouchait vraisemblablement sur une échauguette en encorbellement équipée de latrines et donnant accès au second étage.

François RIZZON 26.09.2016 10:08

La porterie n'était pas comme stipulée sur cette restitution, etc. Je reste à votre disposition pour une éventuelle visite du site ensemble. Bien cordialement !

François RIZZON 26.09.2016 10:06

Bonjour ! Effectivement mais cette restitution était des plus érronées...
Pour information, la toiture du donjon possédait des tuiles vernies.

B. Sertier 18.09.2016 12:50

Merci pour ces informations qui pourront peut-être un jour contribuer à une nouvelle restitution du château (déjà effectuée par J. Tealdi dans les années 80).

François RIZZON 18.09.2016 08:38

Bonjour ! Pour avoir participer aux travaux de restaurations du château de Montjoie. Je tenais à vous informer que la porte située à droite du placard

Commentaires

10.07 | 18:39

Merci pour votre témoignage !

10.07 | 16:42

C'est vraiment merveilleux de pouvoir revoir Arlay et sa forteresse, j'ai vécu d...

24.05 | 08:49

Bonjour, Non désolé je n'ai aucun relevé des vestiges de ce château.

15.05 | 14:07

Bonjour, auriez-vous un croquis concernant le château de St Maurice/Crillat...