Le deuxième plan est quant à lui beaucoup plus instructif sur l'agencement des bâtiments claustraux. On reconnait le plan "Bernardin" type (conçu par Saint Bernard au début du XIIe siècle pour servir de modèle de base à toutes les abbayes cisterciennes, plus ou moins respecté pour certaines).
Ici sont détaillés et légendés en remarques les bâtiments, leur fonction, les accès, et l'alimentation en eau.
L'abbatiale présente un portail surmonté d'une grande rose. La nef est constituée de quatre travées et encadrée par deux collatéraux. Un transept assez étroit avec quatre chapelles ajourées chacune d'une baie, chacune des ailes semblant couverte par un toit à un seul pan (à l'instar de Bonmont mais qui fut remaniée à l'époque moderne). Un choeur et un chevet surmontés d'un clocher ajouré de baies en triplet et de trois roses disposées en triangle.
La représentation en élévation du chevet de l'église pose problème quant à son interprétation. Le triplet et les trois roses (en réalité grands oculi) ajouraient-ils uniquement la façade extérieure du chevet (comme sur l'abbatiale de Chenecey - Buillon, construite sur l'initiative des moines de Balerne, qui présente un triplet surmonté d'une seule rose quadrilobée) ou bien répartis d'une part sur la façade du chevet (triplet de baies) et sur la face est du choeur (roses en triangle) à l'aplomb du clocher (à l'instar de l'abbatiale de Bonmont où des baies placées à l'entrée du chevet éclairent le choeur, église réputée très proche de Balerne dans sa conception) ? La taille relative des trois roses par rapport au triplet semble trop importante pour loger tous les ajours sur le mur de façade du chevet si l'on considère que le rapport hauteur/largeur du chevet à Balerne était comparable à celui de Bonmont.
Le toit du clocher tel que figuré sur ces deux plans présente une flèche importante qui ne semble pas correspondre aux critères architecturaux de la période romane, telle qu'elle se pratiquait localement, et il s'agit peut-être d'une reconstruction postérieure à l'incendie de 1359.
De même, les bâtiments claustraux présentent quantité de fenêtres rectangulaires qui ont dû se substituer aux baies d'origine, étroites et toujours de plein cintre, chanfreinées, telles qu'elles apparaissent dans les abbayes romanes cisterciennes subsistantes. Les contreforts ne sont pas représentés (hormis contre l'extérieur du collatéral nord de l'abbatiale et contre le chevet) ce qui laisse supposer que les doubles voûtes en berceau caractérisant les bâtiments claustraux du plan bernardin ont été par la suite remplacées par des croisées d'ogives gothiques, ou de simples planchers (la cuisine du bâtiment subsistant présente des croisées d'ogive). Aucune baie n'est figurée sur le collatéral sud de l'abbatiale, donnant sur le cloitre, ce qui est une indication sur sa hauteur relativement modeste. Il semble que le cloitre était surmonté de pignons disposés au sud et au nord du bâtiment des moines, et au sud du bâtiment des convers, ainsi que de quelques lucarnes dans les combles du bâtiment sud. Ce type de structures ne répond pas non plus aux exigences architecturales de sobriété du plan bernardin roman, et étaient sans doute postérieures au moyen-âge. Le cloitre est très sommairement schématisé sous l'aile ouest par 4 baies réparties de part et d'autre d'un porche central. Cette configuration rappelle la structure du cloitre de Fontenay et ses dimensions s'intègrent quasi parfaitement sur le cloître de Balerne .
Deux canaux maçonnés alimentés par le ruisseau coulant au pied du flanc ouest de la reculée traversaient l'enceinte de l'abbaye avant de se jeter dans la Balerne :
- Le premier passant au ras de l'aile sud alimentant d'abord à l'ouest la roue d'un moulin passait le long des cuisines et sous l'extrémité sud du bâtiment des moines (latrines au sud du dortoir).
- Le deuxième traversait l'enceinte plus au sud par le milieu du jardin et permettait l'irrigation des cultures.
Un troisième canal maçonné (non représenté par Moyne) orienté selon un axe nord-ouest / sud-est parcourt l'espace au nord de la porterie pour alimenter une structure difficilement identifiable à l'est du chevet de l'abbatiale (vivier, lavoir ?)
Des tronçons de ces canaux maçonnés sont toujours visibles sur le site.
La partie méridionale de l'enceinte est bien matérialisée sur le plan, avec une entrée secondaire donnant sur le verger à l'ouest de l'aile des convers. Elle enserre vergers à l'est et jardins au sud divisés en quatre carrés. Les angles sud-est et sud-ouest du mur sont flanqués de deux petits bâtiments carrés de surface identique.
Au nord, une porterie comprenant une chapelle à l'est (dédiée à Saint Denis), appuyée contre la tour porche centrale munie de deux archères surmontant une baie laisse à penser qu'elle était constituée de deux étages. Accolés à son flanc est se situaient des bâtiments agricoles (écuries, ménagerie, logements, et grange).
Détail du plan géometral de Moyne - Archives départementales du Jura - Extrait des Dossiers d'Archéologie N°340
Une source essentielle pour se faire une idée assez précise de l'apparence passée de l'abbaye à son âge d'or repose sur deux plans dessinés en 1718 par le géomètre Moyne sur demande de l'abbé de l'époque.
Un premier plan dit "géométral" présente l'abbaye et l'étendue de son domaine au fond de la reculée et sur le plateau sud-est autour de la grange de Rothour. Elle comprenait outre les bâtiments claustraux et leurs annexes à proximité immédiate le moulin de pierre situé un peu au nord à l'entrée de la reculée où deux bâtiments sont figurés. Au XIXe siècle, Rousset indique que le moulin de pierre comprenait quatre tournants (roues à aubes) ce qui laisse deviner l'importance qui était la sienne sur l'activité de l'abbaye. Un petit dessin en perspective cavalière des bâtiments claustraux vus du sud est figuré au centre de ce plan. On y distingue le clocher classique de l'abbatiale, la "tour des archives" (ancien clocher secondaire ?), l'aile sud (cuisine, chauffoir), l'aile est (ancien bâtiment des convers reconverti au XVIIe siècle en prieuré et en logements pour les visiteurs), l'extrémité sud du bâtiment de moines et une partie du logis de l'abbé construit vraisemblablement après la mise sous commende de l'abbaye.
Plan Moyne des bâtiments abbatiaux (1718). Archives départementales du Jura - Extrait des Dossiers d'Archélogie N°340
Au cours de deux périodes estivales de forte sécheresse, la végétation à l'aplomb des fondations maçonnées a prématurément séché et jauni, permettant par contraste une nette visualisation des fondations des bâtiments disparus.
Un premier relevé et une restitution limitée aux proches bâtiments abbatiaux ont été effectués par Benoît Chauvin (chercheur au CNRS et spécialiste des cisterciens) suite à la sécheresse de 1976.
En 2006, une période de sécheresse analogue et des prises de vues aériennes ont permis de compléter ces premiers relevés en particulier pour les bâtiments annexes situés à l'est de l'abbaye. Ce travail a été effectué par Nathalie Bonvalot (Ingénieur, Service régional de l'archéologie de Franche-Comté, CNRS, UMR 6249 Chrono-Environnement, Besançon) et Jacques Aubert (Prospecteur Aérien).
La plupart de ces structures annexes, à l'exception de la "tour des archives" et du logis de l'abbé, ne sont pas représentées sur le plan de Moyne. Il est donc probable qu'elles étaient antérieures et déja désaffectées ou disparues en 1718, ou partiellement postérieures (début de reconstruction après l'incendie de 1755). L'abbaye au XVIIIe siècle s'était considérablement réduite en effectif et importance (elle ne comptait plus que 15 personnes à la veille de la Révolution contre 150 à la fin du XIIe siècle), il est probable que nombre de bâtiments antérieurs avaient été abandonnés.
Superposition des relevés de Benoit Chauvin (1976) et Nathalie Bonvalot & Jacques Aubert (2006) sur une photo aérienne du site (2006)
Commentaires
10.07 | 18:39
Merci pour votre témoignage !
10.07 | 16:42
C'est vraiment merveilleux de pouvoir revoir Arlay et sa forteresse, j'ai vécu d...
24.05 | 08:49
Bonjour, Non désolé je n'ai aucun relevé des vestiges de ce château.
15.05 | 14:07
Bonjour, auriez-vous un croquis concernant le château de St Maurice/Crillat...