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Situation
Situés à une dizaine de kilomètres au nord de Lons-le-Saunier, les vestiges médiévaux qui bordent le sud du plateau sommital de la colline d'Arlay sont très visibles depuis la route
de Dole. Culminant à 328 mètres d'altitude, cette butte, qui domine le bourg actuel d'Arlay d'une centaine de mètres, est un des premiers reliefs jurassiens que l'on rencontre avant le Revermont à la limite orientale de la
plaine Bressanne en venant de Chalon-sur-Saône. Les ruines visibles depuis le pied de ce relief constituent la limite méridionale des remparts du bourg-dessus et son château médiéval, regroupant des constructions
s'étalant pour l'essentiel du XIIIe au XVe siècle. Cette forteresse était le fief principal de la puissante famille des comtes de Chalon-Arlay et représente sans conteste l'un des vestiges les plus
importants et spectaculaires de la féodalité comtoise. Arlay est aujourd'hui devenu un vaste domaine viticole bénéficiant de l'appellation de "grand cru" du Jura, mais la vigne était présente dès le 7ème
siècle faisant du domaine le plus ancien château-vignoble de France.
Les origines
Représentation schématique d'Arlay au XVIIe siècle.
Extrait du Dictionnaire des Communes du Jura, A. Rousset, 1853. Origine Arslata, Arslatum, Arelatum, Arlacum, Arlatum, Allatum, Arla, Harlay, Arlez, est l'un des lieux les plus anciennement habités de notre province. Une foule de traditions, de croyances, de dénominations locales sont pleines
des images du culte druidique. Ainsi le climat de Pierre-Levée, la colline de Pierre-Fée, le hameau de Champs-du-Feu rapellent l'existence de monuments ou de lieux d'assemblées de druides. Le petit taureau d'airain à trois cornes
et sans oreilles, trouvé sur le mont de Chaze, la statuette en bronze représentant Hercule, la massue à la main, armé de la dépouille du lion de Némée, dit en Bel, jadis bois sacré, dédié
à Belenus, l'Apollon gaulois, trahissent le polythéisme des Celtes. Les nombreuses médailles gauloises trouvées sur les différents points du territoire permettent de supposer qu'Arlay avait déjà quelque importance
dans les Gaules, quand Jules César en fit la conquête. Arslata subit l'administration du vainqueur; il prit la physionomie d'une ville romaine et changea son nom d'Arslata en Arslatum. On y retrouve, comme dans toutes les villes fondées ou construites par les légions, la distribution normale en trois parties distinctes: le Castrum, c'est le château bâti sur la montagne ;
le Palatium, placé en dessous du castrum, et enfin la cité proprement dite. Un palais, un temple dédié à Apollon, des bains, des habitations somptueuses, s'élevèrent peu à peu dans l'ancienne bourgade
gauloise ; plusieurs voies romaines la reliaient à Verdun, Chalon-sur-Saône, Lons-le-Saunier, Poligny et Besançon. Les antiquités
gallo-romaines sont si nombreuses à Arlay, qu'on ne peut remuer le sol sans trouver des fondations d'édifices, des tuileaux à rebords, des médailles, des pièces de monnaie, des statuettes, des vases, des colonnes, des mosaïques,
des inscriptions, des sarcophages, des fragments de marbres précieux et toutes espèces d'objets antiques. Ces débris, comme de muets témoins, attestent la grandeur et la prospérité passées de cette petite cité.
Dévastée successivement par les Vandales, les Alains, les Suèves et les Bourguignons, cette petite ville disparut pour faire place à
un établissement burgonde en 456. Son riche territoire fut compris dans le lot du souverain. Valdalenus, duc et patrice de Bourgogne, avait
un palais dans le quartier de Saint-Vincent qu'il habitait en 597. La tradition rapporte que Saint Donat, son fils, étant simple moine sous Saint Colomban, au monastère de Luxeuil, fut envoyé à Arlay pour y propager la foi, qu'il
y trouva une église bâtie sur les débris du temple d'Apollon, et que, pour la desservir, il y établit, dans le palais de son père, une abbaye de moines noirs. Après avoir hérité de vastes propriétés
du duc Valdelène, il donna, en 654, ses terres d'Arlay et de Domblans à l'église métropolitaine de Besançon, dont il occupait le siège épiscopal.
La lignée des Comtes de Chalon
Au moyen-âge, Arlay consistait en trois parties distinctes et isolées. La première, située au sommet de la montagne, renfermait le château et le bourg. Au pied nord-ouest de la
montagne et sur son rampant, était la deuxième partie, qui comprenait un bourg et ses dépendances. La troisième partie, située en plaine à l'ouest de la précédente, consistait en un vaste quartier. Après
avoir porté le nom de Saint-Vincent, il s'appela Arlay-la-Ville ou la vieille ville d'Arlay. La tradition attribue la fondation du château à Gérard de Roussillon, comte, puis
duc de la Haute Bourgogne au IX siècle, célèbre par la lutte qu'il soutint contre Charles-le-Chauve, roi de France. cette forteresse fut successivement agrandie par le comte Étienne II, par Jean de Chalon, dit l'Antique, son
fils, et par leurs successeurs. Au moment de sa destruction, en 1479, par Louis XI, ce château, bâti sur le point le plus élevé de la montagne, consistait en un énorme donjon carré,
au nord duquel en était un plus petit, servant d'arsenal et de chapelle, reliés entre eux, à l'est, par un corps de bâtiment. Un boulevard ou grosse tour ronde composée de plusieurs étages, défendait l'entrée
de la cour à l'ouest. Sous le donjon principal (il s'agit du donjon du XVe siècle - NDLR) étaient trois étages de souterrains, servant la plupart de cachots, dans lesquels on a retrouvé, en 1775, plusieurs
instruments de supplice (NDLR : comme souvent, Rousset fait des amalgames et se trompe car le donjon du XVe n´a jamais été fouillé. Il s´agit plus vraisemblablement de celui démantelé par Louis XI datant du
XIIe sur lequel on a construit le kiosque après rèamènagement complet au XVIIIe, juste au nord de celui subsistant). Ce château, bâti dans le style saxon, avait des murailles extrêmement massives; on peut encore
en apprécier la gigantesque épaisseur et l'étonnante solidité. Il était percé de fenêtres à plein cintre. Dans l'embrasure de deux d'entre elles étaient des sièges en pierre.
L'essor du fief
Jean 1er de Chalon-Arlay. Détail du carrelage provenant du château d'Orgelet exposé dans l'église (fin XIIIe siècle).
Le bourg dessous se forma insensiblement au pied et sur la rampe de la montagne, au moment des guerres soutenues par Étienne II contre Otton, comte
souverain de Bourgogne. Il n'était fermé que d'une simple muraille et de barrières, lorsque Jean de Chalon-Arlay, 1er du nom, résolut d'en faire un lieu considérable. Il employa un singulier moyen pour le peupler: il permit
aux étrangers de toute nation et de toute religion de s'y établir, pourvu qu'ils ne fussent ni voleurs, ni traîtres, ni assassins, et leur promit protection; on vit accourir aussitôt des hérétiques, des sorciers, des
sacrilèges, des blasphémateurs, des incendiaires, des faux-monnayeurs, etc. Rome et Athènes, du reste, n'eurent pas d'autres commencements (nous laissons ici l'auteur seul maître de ces supputations
- NDLR). Il n'est pas étonnant qu'on ait appelé le Bourg-Dessous la Diablerie d'Arlay. Par
acte daté du château d'Abbans, en mars 1276, Jean de Chalon, baron d'Arlay, 1er du nom, accorda aux habitants de Bourg-dessous une charte de franchise, écrite en latin. Tout homme qui fixait son domicile à Arlay ne pouvait, après trois années, être réclamé ni inquiété. Un bourgeois pouvait acquérir, vendre, échanger des biens à son
gré; les immeubles seuls situés dans le bourg ne pouvaient être vendus qu'à des bourgeois du lieu. Le seigneur n'avait aucun droit sur les successions des bourgeois, des marchands ambulants, des militaires, des voyageurs qui mourraient
dans le bourg, laissant des héritiers. Il fut établi un marché qui devait se tenir le mercredi de chaque semaine, à la manière de celui de Lons. (Plus tard il fut transféré au vendredi par accord
avec Sellières.) Les crimes et délits sont punis par des amendes de 3 sols et de 60 sols, perçues au profit du seigneur. Ainsi, étaient condamnés à une amende de trois sols celui qui frappait du poing ou
de la paume de la main, celui qui ne contribuait pas à l'entretien des chemins, celui qui commettait des anticipations sur les biens communaux, celui qui gageait quelqu'un dans les murs du Bourg, et tout acheteur de gages qui avait des associés. Étaient condamnés à une amende de 60 sols: celui qui mettait le désordre dans le marché, celui qui ne livrait point dans la journée les choses qu'il avait vendues, celui qui tirait son couteau, son épée,
sa lance ou son sabre, pour frapper quelqu'un; celui qui lançait avec intention une pierre, si le coup restait marqué à terre ou contre un mur; celui qui tirait méchamment et aux deux mains quelqu'un par les cheveux; celui qui s'introduisait
chez un bourgeois avec effraction, celui qui avait fait couler le sang d'un homme, celui qui vendait à fausse mesure, celui qui étais surpris en fornication, culotte bas, lorsque le fait était prouvé par deux témoins étrangers
à la maison du seigneur, et celui qui était convaincu d'avoir nié une dette. Restait la miséricorde du seigneur: ceux qui avaient deux différentes mesures, une grande pour acheter et une petite pour vendre; ceux
qui, sans excuse légitime, ne se rendaient point à l'arrière-ban en cas d'appel, et les usuriers. Ceux qui ne se rendaient pas armés au ban du seigneur, payaient une amende de 7 sols. Le cabaretiers devaient annuellement
au sire une coupe de vin (6 pintes); le boulanger 12 deniers, et le cordonnier une paire de souliers. Le seigneur se réservait du reste, l'impôt annuel de 12 deniers par toise rapinale de maisons construites dans le bourg, la banalité
des fours et des moulins. Le Bourg-Dessous, appelé simplement le Bourg d'Arlay depuis la destruction du Bourg-Dessus en 1479, formait dans sa clôture un parallélogramme rectangle fermé de quatre murs réunis par
quatre tours principales. Le premier de ces murs, qui servait également de clôture à la forteresse, tirait depuis la tour Chantemerle à la tour Griffone. Le second mur à l'est tirait depuis la porte et la tour de Bournu et
de la Griffone à la tour du Carouge. Ce mur était flanqué de plusieurs tours, entre autres de celle dite Dame-Jeanne, placée à l'orient et sur la roche qui dominait la porte d'amont. Le troisième mur se dirigeait en
droite ligne depuis la tour du Carouge à la tour du Tortelet, et remontait au couchant à la roche de Chantemerle. Ce bourg avait trois portes principales, appelées porte de Bournu, porte d'amont et porte d'aval. Chacune d'elles
était défendue par des tours. il était percé de quatre rues parallèles, dites rue Basse, Grande rue, rue Saint-Claude et rue Haute, et d'un grand nombre de ruelles.
Guerres et fléaux
Intérieur de la chapelle castrale - Dessin de 1829.
Arlay fut successivement dévasté, du III° au V° siècle, par des invasions de barbares; en 923 par les Normands; en 953 par les
Hongrois; de 1205 à 1227 par Otton, comte souverain de Bourgogne, dans sa guerre contre Étienne II, son compétiteur ; en 1338, par Eudes, duc de Bourgogne, en guerre contre le seigneur d'Arlay ; en 1479, par les armées
de Louis XI, commandées par Craon. Louis XI était furieux de ce que Jean IV de Chalon s'était rallié au parti de Marie de Bourgogne, sa légitime souveraine. Il écrivit au duc de Craon de faire saisir ce prince, de
le faire pendre et ensuite brûler. Son procès lui fut fait par contumace; l'arrêt rendu contre lui porte que, comme faux et traitre chevalier, il sera pris pour être exécuter, et faute de ce, sera pendu en effigie par les pieds,
ce qui eut lieu dans plusieurs villes du duché. Craon, qui avait reçu l'ordre de ravager les terres et de détruire les châteaux du prince d'Orange, vint
assiéger Arlay. La forteresse était défendue par Aymar de Boujailles, vaillant chevalier, agé de 80 ans. ce vieillard donna un exemple admirable de dévouement. trois fois sommé de se rendre, trois fois il prononça
le plus noble refus. Les assaillants feignirent de se retirer, se ménageant des intelligences dans la place. ils montèrent subitement à l'assaut pendant la nuit et s'emparèrent du château. L'infortuné gouverneur fut
pendu à la porte de l'Epinette. Le comte de Barnaud était venu s'enfermer dans la tour qu'il tenait en fief, pour la défendre. Son fils, jeune officier plein d'avenir, y perdit la vie. Les habitants, la garnison furent massacrés,
le bourg et le château livrés aux flammes; le bourg-dessous ne fut pas épargné. En 1559, Arlay fut ravagé par une troupe wallone sortie de la Belgique, envoyée par Guillaume de Nassau, à l'occasion des guerres
de religion. En août 1595, le duc de Biron s'empara de vive force du Bourg-Dessous; le château, depuis longtemps démantelé, se rendit à discrétion. Henri IV, logé au château de Domblans, exigea une contribution
de 6000 écus. Malgré l'empressement que mirent les dames à apporter leurs joyaux, leurs bijoux, cette contribution ne put se réaliser que pour moitié. Afin de garantir le paiement du surplus, Biron prit pour ôtages
huit des principaux habitants, qui furent emmenés garottés jusqu'à Lyon. Sa troupe indisciplinée, après avoir pillé les maisons, mit le feu aux faubourgs et aux quatre coins du Bourg-Dessous. deux cent habitants furent
passé au fil de l'épée, et leurs corps jetés dans une fosse sous l'église Saint-Claude. le recteur de l'Hopital du saint-Esprit dit dans ses mémoires: "Jamais les eaux de la Garonne ne pourront laver le Bearnais d'un
pareil méfait, Dieu lui fasse bonne justice". Au mois d'août 1637, l'armée commandée par le duc de Longueville vint, pendant la durée du siège de Bletterans, brûler Arlay. Une garnison de 60 hommes fut laissée
dans les masures du château. En 1642, le capitaine de Lacuzon reprit cette place sur les Français. Déguisé en capucin, il usa de la ruse pour faire abaisser
le pont-levis et ouvrir les portes du fort. La troupe dévouée qui l'accompagnait, s'empara du commandant Raimbaud, qu'elle égorgea, et courut sur le plateau de la montagne en criant : A sac ! Ville gagnée! Lacuzon! Saint-Claude
et Lacuzon! En 1668, Arlay ouvrit ses portes sans résistance aux armées de Louis XIV. Lacuzon, à la tête de 200 hommes, reprit cette ville en 1671. Au mois de mars 1674, les français en prirent définitivement possession.
Une rixe sanglante s'engagea en 1715 entre les habitants de Ruffey et ceux d'Arlay. Une simple discussion entre les bergers en fut l'origine. Cette lutte serait devenue terrible sans la courageuse intervention du jeune comte de Saint-Amour et du chevalier
de Marigny, qui commandaient chacun une compagnie de cavaliers logés dans ces deux bourgs. La suppression de l'église Saint-Claude fut, dès 1748 à 1789,
l'occasion de querelles fréquentes suivies de coups, entre les habitants de Bourg-Dessous et ceux d'Arlay la Ville. Cette commune fut foulée de troupes et de contributions
pendant l'occupation autrichienne. Arlay fut ravagé par la peste en 1349, en 1481, et de 1630 à 1636. de 120 feux qui existaient en 1606,
il n'en restait que 25 en 1640. En 1848 et 1849, une maladie épidémique enleva un grand nombre d'habitants. En 1714, une épizootie détruisit presque tout le bétail de cette localité. le territoire fut ravagé
par des orages violents, accompagnés de grêle en 1713,1765,1775,1779 et 1781. Indépendamment des incendies qui furent la suite des guerres, Arlay eut à souffrir de terribles incendies partiels, en 1775 au bourg, à St Vincent
en 1815, à Corcelles en 1852, à Chaze en 1839 et 1840, à Juhans en 1840 et au bourg les 25 juillet et 31 août 1846. Les inondations de 1840 et de 1841 enlevèrent plusieurs ponts et endommagèrent beaucoup de maisons.
La renaissance d'Arlay
Château d'Arlay (XVIIIe siècle) construit à l'emplacement du couvent des Minimes.
La première pensée qui frappe quand on jette les yeux sur Arlay, c'est celle
d'une fortune tombée et d'une grandeur déchue. Sa physionomie a quelque chose d'austère et de mélancolique qui fait rêver. Les ruines du château sont d'un aspect majestueux. Mme de Lauraguais, venant visiter sa terre
d'Arlay en 1773, fut tellement enchantée de son site, qu'elle résolu aussitôt d'y fixer son séjour. Elle acheta le couvent des Minimes, dont elle fit le château qu'on admire aujourd'hui. Elle convertit toute la montagne en
bosquets délicieux. Sur les débris de l'ancien donjon, elle fit élever deux pavillons dans lesquels les bals, les fêtes se succédaient sans interruption. En 1775, cette princesse fit inviter les seigneurs de Franche-Comté,
qui relevaient d'elle, à se rendre à Arlay, chef-lieu de ses terres, pour reprendre le fief entre ses mains, et les maires et échevins des communauté à venir faire reconnaissance de ses droits. Dès qu'on fut prévenu
de l'arrivée de cette puissante suzeraine dans la province, la noblesse, les dignitaires, les corps de villes de la seigneurie, se hâtèrent de venir la visiter et la complimenter. Le roi de Prusse seul, le grand Frédéric,
refusa de faire hommage pour son comté de Neuchâtel. Il répondit au messager chargé de lui remettre l'invitation, " que si le seigneur d'Arlay persistait à avoir sa visite, il fallait préparer des logements pour 3000
chevaux; que le grand Frédéric ne voyageait jamais autrement". On comprend fort bien que Mme de Lauraguais se soucia fort peu d'un hommage aussi dispendieux. Tous les vassaux relevant de la terre d'Arlay vinrent prêter serment de fidélité.
Chaque communauté envoya les produits les plus renommés de son sol. Ces visites, ces députations durèrent pendant toute la belle saison et furent l'occasion de fêtes splendides. Arlay était devenu un véritable
Versailles.
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