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Campanola in pago Scodiensium...
Un désert médiéval ?
Vue générale de Champagnole et du mont Rivel. Carte postale du début XXe siècle. Château du mont Rivel ré-oblitéré 400 ans après les troupes de Louis XI !
Au premier plan : anciennes forges sur l'ain construites avec les pierres de l'abbaye de Balerne.
Bien difficile aujourd'hui pour le visiteur ou même pour le natif de Champagnole de distinguer de réels indices du passé médiéval de la ville, et même simplement antérieurs
au XVIIIème siècle, pourtant occupée et aménagée sans interruption dès la plus haute antiquité! Nous passerons sur les traces d'occupation de l'âge du bronze identifiées
en particulier sur le secteur sud-est de la ville (tumuli dans le quartier des Louaitaux), d'époque gauloise puis surtout gallo-romaine tout autour et plus particulièrement au sommet du Mont Rivel (sanctuaire religieux composé
de bâtiments d'hébergement pour les pèlerins et de deux fanums). Tout cela est traité par le menu dans plusieurs ouvrages rédigés pour l'essentiel à la suite des fouilles menées sous la houlette
de François Leng de 1978 à 1992, à quelques encablures de l'ancienne carrière à ciel ouvert des fours à chaux du mont Rivel. Apparaissent ensuite quelques traces d'occupation mérovingienne
(quartier de Boyse en particulier), puis carolingienne (vieux cimetière récemment fouillé à proximité de la route de Poligny), mais plus aucune trace notoire de constructions jusqu'au XVIIIe siècle! Rien mis à part le château féodal construit sur la pointe sud sommitale du mont Rivel, à deux kilomètres du bourg, dont quelques pans de murs attestent une construction s'étalant du XIIe au
XVe siècle. Il semble avoir été abandonné aux affres du temps à partir de la première moitié du XVIe siècle, par le transfert de la desserte de la chapelle castrale Sainte-Marguerite à
l'église de Champagnole en 1547. Il ne reste sur le site que peu de vestiges encore en élévation, une fois encore ébranlés en 1964 par l'effondrement des galeries d'exploitation souterraine, mais ils ont toutefois
été épargnés d'un avant-dernier coup du sort : En 1874, le conseil municipal offre, en vain, à l' armée, 100ha, 300 000 francs et un prêt de même montant pour qu' elle construise un camp
et une forteresse sur ce site qui lui permettrait de bénéficier de " l' exploitation de carrières de calcaire concrétionné et de la fabrication de chaux grasse, au prix de 16F le m3, et de chaux hydraulique, au prix
de 21F le m3". Le travail de sape de l'eau s'infiltrant jusqu'aux anciennes galeries par les failles sillonnant l'éperon, contribue hélas à l'écroulement des dernières structures. Pour conclure cette introduction, si Champagnole n'est pour le moins guère bien lotie en patrimoine médiéval au regard des ses proches homologues du département tels qu'Arbois, Nozeroy, Poligny ou Salins, ce
n'est pas faute d'histoire au contraire plutôt riche, mais par le malheureux concours d'évènements qui la privèrent du charme romantique dont elle aurait bien mérité jouir aujourd'hui.
Le sort s'acharne...
Extrait de "Champagnole d'hier et d'aujourd'hui" - F. Leng et L. Besson
Pourtant le bourg médiéval et son implantation sur un petit oppidum dans le quartier dit "du pavé", bordé sur 3 côtés par les vallées de l'Ain et de la Londaine, sont
décrits et mentionnés dans les textes anciens à partir du Xe siècle (Campanola in pago Scodiensium) puis de façon récurrente dans différentes chartes rédigées du XIIe au XVIe siècle,
sous la tutelle successive des sires de Salins, Commercy et Chalon. Alors... Qu'est il arrivé aux fortifications (tours, enceinte, porteries à pont-levis de la rue du Pavé), fermes et maisons d'artisans,
à la halle, à la chapelle, à la maison forte du bout de la rue d'Ain, alors que quelques noms de rues figurant sur d'anciens cadastres trahissent leur existence passée : "rue et ruelle de la chapelle", "ruelle sous
la tour", "chemin du châtelot"..., à la vieille église et son cimetière (bordé par la "rue de la vieille église", à l'extérieur du bourg), aux moulins hydrauliques et battoirs du bord de l'Ain
? Comme dans beaucoup de villes en Franche-Comté, et ici plus cruellement,ils ont été victimes de la barbarie des hommes et des affres des éléments. Champagnole
a tout simplement brûlé pour tout ou partie six fois en un peu plus de trois siècles ! Par quatre fois les tentatives de conquête française du Comté de Bourgogne (devenu la Franche-Comté) sous Louis
XI (1477-1480), Henri IV (1595), Louis XIII (1635-1644) puis enfin Louis XIV (1668-1678) se soldèrent par des destructions conséquentes (destructions et incendies du bourg, démantèlement du château du mont Rivel).
Les incendies accidentels par temps venteux, facilités par les toitures en bardeaux de sapin se propageaient très facilement et n'étaient quasiment pas maitrisables compte tenu des faibles moyens de lutte contre les flammes à cette
époque. En 1742, 37 maisons s'embrasent, puis de nouveau en 1792 (incendie des moulins), et le plus terrible de tous fut celui de 1798 (280 familles touchées). La vieille église
: Seul et dernier vestige épargné par la folie des hommes et la fureur des flammes... La vieille église! Elle avait traversé les âges un peu à l'écart du bourg
depuis le haut moyen-âge (Ve ou VIe siècle, sans doute sur la base d'un temple païen), peut-être couverte de lauzes ou tout simplement suffisamment éloignée du bourg pour échapper à la propagation des
nombreux foyers d'incendies. Espace sacré lui ayant épargné la fureur vengeresse et destructrice de nos rois de France, en ce milieu de XVIIIe siècle, tout semblait réuni pour qu'elle parvienne jusqu'à
nos jours sans subir les désastres du reste de la bourgade. Hélas, devenue trop exigüe pour contenir la population des fidèles - à qui tout de même on reprochait depuis quelques temps une moindre fréquentation
- que son éloignement (car constuite à l´époque où le bourg n´avait pas encore été déplacé un peu au sud sur le petit oppidum entre Ain et Londaine qu´il occupera vraisemblablement
à partir du XIIe siècle) de 700 mètres de l'entrée du bourg pouvait dissuader, le poids des pierres et des années se faisant cruellement sentir sur des maçonneries plus que millénaires,
il fut décidé de l'abandonner en 1758 au profit de la toute nouvelle église construite face à l'entrée du bourg (église actuelle). On réforma sous peu le cimetière qui l'entourait (derniers enterrements
en 1793), puis sa démolition fut scellée. Au XIXe siècle, son emplacement et une bonne part de son cimetière servit de chantier d'extraction pour remblayer le vallon de la Londaine dans le secteur du pont de la route de Poligny.
Ainsi disparurent intégralement vieille église, vieux pont sur la Londaine, la grande majorité des tombes (à l'exception de l'extrémité sud-est du cimetière fouillée en 2010), et tout espoir
de les redécouvrir un jour. Seule une succincte description de son aspect et de ses dimensions nous est parvenue dans un texte d'inventaire précédant de peu son démantèlement.
Des traces pour le moins ténues!
Vue du pont de l'Epée depuis la rive droite de l'Ain. Photo mairie de Champagnole
C'est en parcourant la promenade du bord de l'ain depuis le Pont de l'Epée jusqu'au pied du petit oppidum qui abritait le bourg médiéval que l'on peut deviner sinon apercevoir quelques indices de
la période médiévale. Tour d'abord le pont de l'Epée : Il est cité dans les textes depuis 1301, où l'on sollicite l'aide des habitants pour sa "n-ième" restauration
mais il semble que ses fondations et sa physionomie n'aient guère évolué depuis son origine. Construit en une seule arche à même le rocher sur un étranglement de l'Ain, il pourrait avoir une origine romaine et demeura,
jusqu'au milieu du XIXe siècle (construction du pont Neuf), le seul passage carrossable enjambant l'ain sur la route de Paris à Genève. En empruntant depuis le pont au bas de la rue du Pont
de l'Epée les escaliers qui rejoignent la rive droite, on aperçoit tout de suite à l'aplomb les fondations d'un moulin abandonné au début du XXe siècle dont l'origine pourrait correspondre
à l'un des moulins recensés au XIVe siècle (cf vue aérienne en bas de page, repère A). Plus loin, au pied de la rue des bouchers sur le flanc nord-Est du vieux bourg (cf vue aérienne en bas de
page, repère B) se trouvaient d'autres moulins et une tannerie du XVIIIe siècle (démolis au XXe siècle) sise face à l'ilette, dont subsistent quelques fondations contre la rive droite de l'Ain.
Pont de l'Epée. Représentation 2e moitié du XIXe siècle (au deuxième plan : Pont Neuf et établissement hydraulique Muller)
Vue de l'Ain depuis le pont de l'Epée avant la construction du pont Neuf (à droite : Etablissements hydrauliques Muller). Lithographie début XIXe siècle.
Pont de l'Epée vu depuis les établissements Muller. Début XIXe siècle.
La tannerie et les scieries hydrauliques sous le vieux bourg au début du XXe siècle. Rive droite de l'Ain.
Rue des boucheries - Subsistance du fossé au sud-est de la "porte 1". Photo début XXe siècle
Le flanc Est et l'angle sud-est du bourg
Mur de soutènement sous la rue d'Ain avec appareillage hétérogène remanié à plusieurs époques
En remontant la rue des boucheries jusqu'à son milieu, un sentier sur la gauche permet de s'approcher des murs de soutènement des maisons bordant la rue d'ain (cf. vue aérienne en
bas de page, repère C), que l'on peut pour la plupart dater du XVIIIe ou XIXe siècle d'après l'appareil régulier des assises, mais dont certains trahissent une époque plus reculée pouvant peut-être correspondre
à une enceinte remontant au bas moyen-âge ou à la Renaissance. Plus loin, en arpentant le coteau à la hauteur de l'angle sud-est du vieux bourg, on découvre une structure
semi-circulaire évoquant une tour flanquant un mur en bel appareil. Cet ensemble correspond à la limite sud de la propriété du manoir, lui même reconstruit fin XVIIIe siècle sur les restes du castel XVe siècle incendié
en 1480 et 1798 (cf. vue aérienne en bas de page, repère D). S'agit-il de la tour citée dans les textes surplombant le quartier du Croisoux (fortification du bourg, accès par deux
tours munies de ponts-levis, et présence de trois tours...) ? Rien n'est moins sûr car si le mur d'enceinte du Châtelot flanquant les versants est et nord est bien matérialisé sur les archives, cette construction
semi-circulaire n'apparait pas sur les cadastres du XIXe siècle.
Construction semi-cylindrique flanquant le mur d'enceinte sud du castel (ou "Châtelot") - Restauration (ou reconstruction) moderne de la tour sud ?
Le flanc nord-ouest du bourg
Vestiges d'un moulin sur la londaine
Redescendons à présent sur le sentier et engageons nous le long de la Londaine un peu en amont de son embouchure avec l'Ain pour rejoindre un petit pont en bois qui l'enjambe à la hauteur des vestiges
d'un vieux moulin (cf. vue aérienne en bas de page, repère E) encore maintenu en activité jusqu' au milieu du XXe siècle par une vieille famille champagnolaise. Ici aussi, rien ne permet d'estimer son âge
compte tenu du peu qui subsiste. Par ailleurs, François Leng atteste les vestiges de deux anciens lavoirs le long la Londaine à proximité des abattoirs modernes. Terminons notre périmètre
du vieux bourg le long du chemin pour rejoindre l'angle nord-ouest du bourg en remontant le sentier jusqu'au pied de l'école Jeanne d'Arc. Un mur de belle épaisseur (1m20) construit à flanc de coteau délimite l'angle nord-ouest
du plateau (cf. vue aérienne en bas de page, repère F).
Mur au pied de l'école Jeanne d'Arc (au fond à droite, le mur interrompu présente une épaisseur de 1m20 environ).
Enceinte du vieux bourg (en rouge), et ilots de maisons prolongées de leur "aile" (en bleu).
Conformément à l'urbanisme traditionnel médiéval du grand Est, et malgré les multiples incendies et reconstructions, on retrouve encore dans l'organisation des ilots d'habitations entre
deux rues la disposition de maisons prolongées de leur "aile" (parcelle de jardin utilisée comme potager, verger, poulailler ou remise), séparée de leur mitoyenne par un muret. Cette structure est toujours reconnaissable dans les
deux tiers nord de la bourgade médiévale, et plus particulièrement dans la partie centrale entre la rue du Pavé et la rue du Sauget, au sud-ouest de la ruelle Baudin. Plus au sud, la quasi totalité des habitations (à
l'exception du Châtelot à la pointe méridionale) sont très récentes, et ne devaient être occupées au moyen âge que par des surfaces purement agricoles (cultures ou pâtures).
Les cartes anciennes
Extrait de la carte de Cassini.
Source gallica.bnf.fr / BnF.
Sur l'extrait ci-contre de la carte de Cassini finalisée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les principaux vestiges médiévaux de Champagnole (surlignés
en jaune) sont encore représentés : - Le châtelot au sud du plateau du vieux bourg (symbolisé comme une gentilhommière par un triangle surmonté d'une bannière)
- La vieille église, au nord du bourg, déjà ruinée et abandonnée au profit de l'église moderne
- Le pont de l'Epée franchissant l'Ain au sud-est
de la ville au nord du "grand moulin"
- Les moulins à eau sur la Londaine (symbolisés par une roue à aubes)
- La grange de Burgille sur le flanc sud-ouest du mont
Rivel
- Le château ruiné de Montrivel (orthographié "Montrivet" et symbolisé par une tour penchée)
Extrait de la carte de "Salins à Saint-Claude" par Charles-Etienne d'Antelmy en 1755. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Plan de Champagnole en 1767.
Plan de Champagnole en 1826 (à noter : L'emplacement du vieux cimetière au nord).
Vue satellite (site internet Geoportail) du vieux bourg et cadastre moderne superposé
- Contour supposé de l'enceinte et des accès par ponts-levis
- Emplacements du Châtelot, de la chapelle, et de la halle (?)
- Fossé sec (au nord-est du bourg sous la porte 1)
- Emplacement supposé des trois tours mentionées
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